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Fiches de résultats 14 juillet 2021

Les outils et les innovations scientifiques de l’Afrique pour combattre la COVID-19

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Professeur Christian Happi.

Photo: ACEGID


La série de projets pour la création de centres d’excellence africains dans l’enseignement supérieur (CEA 1 et CEA Impact) a accompagné les efforts du Centre d’excellence africain en génomique des maladies infectieuses (ACEGID), à l’université Redeemers du Nigéria, afin d’élaborer de nouveaux outils et des solutions face à des défis de santé publique de grande envergure. À partir de 2014, l’ACEGID a soutenu les travaux de plus de 500 étudiants originaires du pays et de toute l’Afrique — dont 169 femmes (33 %) — suivant un troisième cycle ou un cycle court dans des filières clés pour la santé. Il a également dispensé une formation approfondie à 489 étudiants, professionnels de santé et membres du corps enseignant lors de sessions de courte durée, à l’instar d’un programme de cinq semaines en génomique avancée.

Défi

Le renforcement de la productivité, la diversification de l’économie et l’introduction de réformes structurelles en Afrique vont nécessiter de produire et retenir des profils hautement qualifiés employables dans des domaines stratégiques, en particulier les filières en lien avec la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STIM), mais également avec la santé et l’agriculture — autant de secteurs où l’Afrique connaît actuellement une pénurie de scientifiques et d’ingénieurs bien formés et est pénalisée par des options de recherche limitées. Le nombre restreint de programmes d’enseignement supérieur de qualité entretient un faible niveau d’inscriptions et freine toute montée en puissance de la recherche. Selon l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU), le taux brut d’inscription dans l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne n’était que de 9 % en 2018, contre 74 % dans les pays à revenu élevé de l’OCDE. Le Plan directeur pour la revitalisation de l’enseignement universitaire au Nigéria (2019-23) estime à 30 % la pénurie de personnel universitaire dans le pays (la situation étant encore plus aiguë dans les filières STIM).

Démarche

La coordination et la collaboration à l’échelle régionale sont le seul moyen de surmonter les défis de santé publique. Dans ce contexte, l’ACEGID s’appuie sur ses ressources financières, sa base de connaissances et sa collaboration avec des chercheurs internes et externes pour élaborer des solutions visant à contrer les menaces sanitaires immédiates mais également à repérer les futures épidémies et préparer la riposte. L’ACEGID entend former une masse critique de scientifiques capables d’utiliser des outils basés sur la génomique pour surveiller, contrôler et éradiquer les maladies infectieuses. Il mobilisera pour ce faire une technologie génomique de pointe afin d’identifier les agents pathogènes à l’origine des maladies et concevoir des outils innovants, comme le test de diagnostic rapide de la fièvre de Lassa. La priorité accordée par le projet CEA à l’acquisition d’équipements dernier cri, l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage, l’extension de la portée régionale et l’impact institutionnel contribueront à faire de l’ACEGID un pôle régional conçu pour permettre aux scientifiques africains de mener à bien des projets de recherche génétique essentiels. Le programme renforce également l’engagement auprès des communautés locales : l’ACEGID organise ainsi des campagnes de sensibilisation du public et des formations en santé publique sur les maladies infectieuses auprès des populations rurales. Il s’agit d’un élément essentiel de la prévention et de la réponse en matière de santé publique. L’ACEGID fait par ailleurs partie d’un solide réseau international, dont le Centre africain de contrôle des maladies (CDC) et le CDC du Nigéria, ce qui garantit la pérennité de ses actions.

Résultats

L’ACEGID s’emploie activement à constituer et développer un réseau de partenaires nationaux, régionaux et mondiaux afin de promouvoir et protéger la santé publique grâce à la mise en place de capacités nationales de séquençage du génome au Libéria, au Nigéria, au Sénégal et en Sierra Leone. Il prévoit également de former du personnel dans ces pays. En collaboration avec le CDC du Nigéria, l’ACEGID a été la première institution en Afrique à réussir le séquençage des génomes du SRAS-Cov-2. Depuis, il a identifié 55 variants du virus, dont le variant B.1.1.7 (Royaume-Uni) découvert en décembre 2020, et a testé plus de 42 000 échantillons provenant du Nigéria. Il s’est également associé au CDC du Nigéria pour former le personnel de santé de première ligne aux techniques de diagnostic par réaction de polymérisation en chaîne (PCR), ainsi qu’au transport des prélèvements à l’échelle nationale. Grâce à ces performances, le CDC Afrique a mandaté l’ACEGID pour séquencer tous les échantillons provenant des États membres de l’Union africaine n’ayant pas de capacités de séquençage. L’ACEGID a par ailleurs séquencé 216 provenant du Cameroun. En septembre 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a désigné l’ACEGID comme l’un des deux laboratoires de recherche de référence spécialisés dans le séquençage des pathogènes émergents, notamment le SRAS-CoV-2, sur le continent.

En collaboration avec le CDC du Nigéria, l’ACEGID a fourni aux responsables politiques des données de qualité afin de contrecarrer efficacement la désinformation. Il a également élaboré des messages de sensibilisation aux mesures de prévention face à la COVID-19, qui ont aidé le gouvernement nigérian à infléchir la courbe des infections.

Afin d’accélérer le rythme d’identification des virus et de mise au point des vaccins, l’ACEGID s’est associé à une entreprise spécialisée en technologies de l’information. Il a ainsi élaboré un outil d’auto-dépistage gratuit sur le web, disponible en anglais et dans les différentes langues parlées au Nigéria, qui permet d’évaluer les symptômes et l’exposition au risque. Il a également conçu un kit de diagnostic qui, grâce à une simple bandelette de papier, repère un large éventail de virus en 30 minutes. Pour finir, l’ACEGID a élaboré un candidat vaccin contre la COVID-19, dont les essais précliniques ont démontré une efficacité supérieure à 90 %.

L’ACEGID a également été à la pointe de la recherche lors de l’épidémie d’Ebola. En séquençant le premier cas d’Ebola au Nigéria, il a contribué à contenir l’épidémie grâce à des kits de diagnostic rapide. Il a développé et breveté deux kits pour les virus Ebola et de la fièvre de Lassa, qui donnent des résultats en 10 minutes.

Depuis 2014, l’ACEGID a accueilli plus de 1 000 étudiants en troisième cycle et pour des programmes de formation de courte durée dans des matières comme la microbiologie, la pharmacie, la bio-informatique, la biologie moléculaire et la génomique ou encore les techniques de séquençage de Sanger. Ces résultats ont été obtenus grâce au soutien du programme CEA. Enfin, les enseignants de l’ACEGID ont publié plus de 200 articles dans des revues évaluées par des pairs, y compris dans la prestigieuse revue internationale Nature.

Contribution du Groupe de la Banque mondiale

L’ACEGID a reçu au total 8,5 millions de dollars au titre du projet de Centres d’excellence africains (CEA) ainsi qu’un financement additionnel de 5 millions de dollars pour le deuxième projet CEA Impact. Toutes ces ressources ont été apportées par l’IDA. 

Partenaires

La série de projets pour la création de centres d’excellence dans l’enseignement supérieur en Afrique a été conçue pour promouvoir et favoriser les partenariats universitaires, tant au niveau régional qu’international, dans le but d’améliorer la qualité de la recherche, de l’enseignement et de l’innovation, mais également de garantir la viabilité des centres sur le long terme. Les projets relevant du CEA Impact ont en outre bénéficié de partenariats avec l’Agence française de développement afin de cofinancer des centres d’excellence au Bénin (11,2 millions de dollars), en Côte d’Ivoire (21 millions de dollars) et au Nigéria (40 millions de dollars).

L’ACEGID a mobilisé 100 millions de dollars auprès de différents partenaires du développement, notamment la Fondation Bill et Melinda Gates, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), la Fondation ELMA, la Fondation Skoll, l’Académie africaine des sciences, le Broad Institute de Harvard et du MIT, l’USAID, le Joint West Africa Research Group (JWARG) et le Biotechnology and Biological Sciences Research Council (BBSRC). 

L’université Cheick Anta Diop/hôpital Le Dantec (Sénégal), l’université de Sierra Leone/le Kenema Government Hospital (Sierra Leone), le CDC du Nigéria et le centre hospitalier universitaire spécialisé d’Irrua (Nigéria) font partie des partenaires régionaux de l’ACEGID. Ses partenaires internationaux comprennent l’université Harvard, l’université de Tulane et l’université de Cambridge (Royaume-Uni), le Wellcome Trust et le ministère de la Défense des États-Unis.

Perspectives

Les projets CEA Impact avaient pour objectif de garantir le développement des universités après l’achèvement des opérations de financement, et des efforts ont été consentis pour améliorer les capacités des établissements supérieurs à se procurer des revenus et à tisser des partenariats clés dans leurs domaines. Depuis la survenue de la pandémie de COVID-19 en 2020, le domaine de la génomique connaît un développement rapide en Afrique — un essor qui doit beaucoup aux initiatives menées par l’ACEGID. En outre, certains des outils qu’il a mis au point pourraient être commercialisés et lui rapporter ainsi de nouvelles sources de revenus. L’ACEGID va inaugurer le plus grand centre de recherche génomique d’Afrique. Il a par ailleurs été sélectionné en mai 2020 par le Broad Institute du MIT et de l’université Harvard pour rejoindre une prestigieuse alliance scientifique dont la mission est de mettre en place un système d’alerte précoce dans toute la région afin de prévenir et répondre aux futures menaces, y compris les épidémies et les pandémies. Cette initiative tombe à point nommé pour renforcer les efforts de lutte contre la COVID-19.

Bénéficiaires

1) Judith Uche Oguzie, doctorante

« Le programme de mastère que j’ai suivi à l’ACEGID a profondément changé ma vie. J’ai pu accéder à des installations de laboratoire de classe mondiale et à un environnement propice et favorable, sans parler des enseignants et des chercheurs qui ont été d’exceptionnels mentors. Connaissant les caractéristiques et les défis propres au continent africain, cela tenait pour moi pratiquement du miracle. J’ai pu bénéficier d’une recherche et d’un enseignement de grande qualité chez moi (sur le sol africain) — un privilège qui jusque-là était inenvisageable sur le continent. J’ai aussi eu la chance de suivre divers [programmes] de formation dans le pays et à l’étranger, notamment au Broad Institute de l’université Harvard et du MIT. Cela m’a donné l’occasion de me frotter aux meilleurs cerveaux dans le domaine de la génomique des maladies infectieuses. J’ose croire que ces formations et ces rencontres m’ont donné toutes les clés pour me prendre en main et ont changé ma vie à jamais. »

2) Jessica Uwanibe, doctorante

« L’ACEGID m’a donné de bonnes bases dans le domaine de la biologie moléculaire et de la génomique. Je ne pense pas avoir de lacunes par rapport aux scientifiques du reste du monde quant au type de techniques que nous utilisons pour étudier les maladies infectieuses. La plupart du temps, ce sont les mêmes. Avec la pandémie de COVID-19, nous avons pu appliquer les connaissances acquises au fil du temps. Pour moi, c’est fascinant de faire partie de l’équipe qui a mis au point le kit de test de diagnostic rapide SHERLOCK, basé sur des séquences CRISPR. Réaliser que nous sommes capables de produire des outils rapides et de passer directement aux tests moléculaires est une vraie révélation. C’est passionnant de faire partie d’une aventure pareille. Et c’est très positif, car il est rare de trouver des installations de ce type pour effectuer de telles recherches sans quitter l’Afrique. Je trouve vraiment exceptionnel de pouvoir mener à bien toutes ces expériences ici (en Afrique) pour un coût bien moindre que dans les pays développés. »

3) Déploiement d’étudiants de troisième cycle

« Au moment où la pandémie a éclaté, nous étions au Nigéria. On nous a fait revenir d’urgence ici pour participer à la lutte contre le virus. Mon expérience à l’ACEGID m’a aidé à mieux comprendre les procédures standard de laboratoire et les protocoles de sécurité. Ce sont les premières choses que j’ai appliquées à mon retour au Libéria et je les ai partagées avec mon équipe. Cela nous a énormément facilité le travail sur les échantillons de COVID-19. Actuellement, nous effectuons des diagnostics à l’aide de tests PCR. Nous allons poursuivre nos recherches pour mieux comprendre le virus. »

Lawrence S. Fakoli III, étudiant en mastère de sciences à l’ACEGID et chercheur associé, Division de la santé publique et de la recherche médicale, Institut national de santé publique du Libéria (NPHIL)

4) Chike Ihekweazu, directeur général du Centre de contrôle des maladies du Nigéria

« Il y a beaucoup à faire pour développer la science en Afrique mais, avec l’aide du professeur Happi, nous sommes en train de poser de solides jalons. Sa contribution à la création de l’ACEGID a grandement contribué à la lutte contre les agents pathogènes et à la sécurité sanitaire. Le séquençage génomique réalisé par l’excellente équipe de l’ACEGID a permis de mieux comprendre la propagation de la COVID-19 au Nigéria. »