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Fiches de résultats 11 juin 2020

Des études prouvent qu’une communication judicieuse favorise le civisme fiscal

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Des études menées par la Banque mondiale et ses partenaires au Guatemala, en Pologne et au Kosovo prouvent que des messages ciblés qui mettent en avant l'intérêt social du paiement des impôts — et les conséquences du non-paiement — favorisent le civisme fiscal et, dans deux cas sur trois, l'augmentation des recettes fiscales. Dans les pays en développement et les économies émergentes en particulier, c’est le fonctionnement de l’État qui est en jeu.

DÉFI

Dans les pays en développement, où la capacité à percevoir des impôts sur le revenu est une condition essentielle à la formation et à la survie de l'État, le civisme fiscal est particulièrement faible. En règle générale, ces pays ne parviennent à percevoir qu'entre 10 et 20 % de leur produit intérieur brut (PIB) sous forme d'impôts, contre 40 % en moyenne dans les pays à revenu élevé. 

Au Guatemala (a), où la moitié de la population vit dans la pauvreté, entre 2011 et 2015, seuls 65 % environ des personnes imposables s’acquittaient de leurs obligations fiscales. Les recettes fiscales ne représentaient que 12 % du PIB, soit moins de la moitié de la moyenne pour l'Amérique latine.

En Pologne (a), l'année précédant le projet expérimental de la Banque mondiale sur le civisme fiscal dans ce pays, 62 % des contribuables ne payaient pas leurs impôts.

Et au Kosovo (a), plus de 85 % des recettes publiques dépendent de la perception des impôts. Entre 2011 et 2017, elles ne représentaient que 14 % du PIB, un chiffre inférieur aux 19 % enregistrés en moyenne dans les pays d'Europe et d'Asie centrale. 

Dans ces conditions, comment faire changer le comportement des contribuables face au fisc ? C'est le défi qu'ont relevé des chercheurs de la Banque mondiale.

DÉMARCHE

Accroître le taux de recouvrement des impôts n’est pas chose facile. C’est un processus de longue haleine qui exige d’instaurer des méthodes d'imposition équitables, de renforcer le corps des inspecteurs des impôts et de réformer le système fiscal vers davantage de progressivité. Les chercheurs de la Banque mondiale ont voulu voir si une approche plus simple ne pourrait pas elle aussi porter ses fruits : par exemple modifier la façon dont on demande aux contribuables de payer.

Au Guatemala en 2015, puis en Pologne et au Kosovo entre 2016 et 2018, les chercheurs ont aidé les pouvoirs publics à modifier la façon dont les services fiscaux communiquent avec les contribuables. Au lieu d'envoyer des avis se contentant de les informer que les impôts sont dus, ils leur ont « gentiment » demandé de s’acquitter de leurs obligations fiscales. Littéralement.

Les messages étaient différents selon le pays et les destinataires au sein de chaque pays. Certains courriers rappelaient au contribuable que la plupart des gens paient leurs impôts. D'autres invoquaient le patriotisme, ou la nécessité pour le pays de disposer de fonds afin d’assurer la santé et la sécurité de sa population. En Pologne, les rappels discrets et les appels au patriotisme, qui avaient fonctionné au Guatemala et au Kosovo, ont eu peu d'effet. Ce qui a le mieux fonctionné, ce sont les courriers qui mettaient en garde contre les conséquences d'un non-paiement.

Toutefois, si la méthode différait, l'objectif restait le même : inciter les contribuables à modifier leur comportement par de petits ajustements qui ne coûtent rien, ou presque, à mettre en œuvre.

À mesure que l'idée s'est imposée, le pôle Pauvreté et équité a constitué une équipe de spécialistes en sciences du comportement, le service Schémas de pensée, comportements et développement (connu sous son sigle anglais eMBeD) (a), qui a travaillé avec les unités de gestion-pays sur les projets pilotes, ainsi qu'avec le pôle Macroéconomie, commerce et investissement (a).


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Env. 21 % de hausse

En Pologne, le paiement des impôts a augmenté de 20,8 % parmi les quelque 150 000 contribuables qui ont été ciblés par la nouvelle stratégie de communication.


RÉSULTATS

Dans chaque pays, les résultats ont été impressionnants. De simples modifications de la formulation utilisée par les services fiscaux et de la manière dont ils assurent le suivi ont permis d'augmenter considérablement le nombre de particuliers et d'entreprises qui ont déclaré et payé leurs impôts. 

Au Guatemala, la première année, les contribuables qui ont été ciblés par la nouvelle stratégie de communication ont été quatre fois plus nombreux à payer leurs impôts que les autres. Cette tendance positive s’est maintenue au fil du temps. En Pologne, le paiement des impôts a augmenté de 20,8 % parmi les quelque 150 000 contribuables qui ont été ciblés par la nouvelle stratégie de communication. Et, au Kosovo, le taux de paiement de l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour les 8 000 contribuables qui ont reçu les messages a été de 2 à 4 points de pourcentage plus élevé que pour ceux qui n'ont pas reçu ces courriers.

CONTRIBUTION DU GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE

Au Guatemala, l’expérience a été menée grâce à des fonds d'amorçage provenant de l’unité de gestion-pays pour l’Amérique centrale. C'était la première fois que la Banque mettait les sciences comportementales au service de la politique publique.

En Pologne, la Banque mondiale a financé l’expérience sur les fonds de l’unité de gestion-pays pour l'Union européenne. 

PARTENAIRES

Au Guatemala, avec l’aide du ministère des Finances, la Banque mondiale a réussi à identifier un groupe de 44 000 contribuables jugés peu susceptibles de s’acquitter de leurs obligations fiscales. Les chefs de projet de la Banque mondiale ont fait appel aux services de Behavioral Insights Team, une société de conseil basée à Londres. Mise en place par le gouvernement britannique puis privatisée, cette société a été la première à utiliser les changements comportementaux pour orienter la politique publique.

Au Kosovo, c’est l'agence allemande de développement international (GIZ) qui a financé la mise en œuvre du projet. En Pologne, la Banque mondiale s'est associée à l'unité chargée de l'administration fiscale au sein du ministère des Finances. 

PERSPECTIVES

L’expérimentation de la Banque mondiale au Guatemala n'a duré qu'un an et n’a concerné qu’une infime partie des plus de 116 000 petites entreprises et professionnels assujettis à l'impôt sur les bénéfices, qui faisaient l'objet de l'étude. Les autorités fiscales du Guatemala ont non seulement continué d’appliquer cette méthode au cours des années suivantes, mais elles ont aussi continué à peaufiner leur stratégie et développé leurs modes de communication, passant des lettres aux courriels et aux SMS. Le montant total de l'impôt collecté progresse d’année en année.

Le service eMBeD a également lancé des projets pilotes (ou soutenu leur lancement) dans d'autres pays, notamment au Costa Rica et en Indonésie.

Au Kosovo, la GIZ et l'administration fiscale ont demandé le soutien d’eMBeD pour poursuivre leur travail jusqu’en juin 2020. 

À mesure que l'approche comportementale en matière de civisme fiscal gagne du terrain, elle est de plus en plus intégrée dans un ensemble standard d'outils efficaces pour le recouvrement de l'impôt.

BÉNÉFICIAIRES

Ces projets ont permis aux autorités fiscales de concevoir de nouvelles approches efficaces en matière de recouvrement de l'impôt. Le personnel de l'administration fiscale, en particulier les services informatiques, a compris l’intérêt de l’utilisation des données pour répondre à des questions essentielles en matière de civisme fiscal. Ces expériences ont également aidé les autorités à comprendre comment des changements mineurs, en particulier dans la façon dont elles communiquent avec les contribuables, peuvent avoir des répercussions significatives sur le comportement des individus et, par conséquent, sur les résultats recherchés.